Mercredi écriture – La Muse, cette Arlésienne

Où l’on apprend que je n’ai ni talent ni imagination, et que je compense en travaillant deux fois plus…

(Ceci est un article auquel je réfléchis depuis un moment, et qui, j’espère, encouragera toutes celles et tous ceux qui n’osent pas se lancer parce qu’ils pensent ne pas avoir le talent qu’il faut pour écrire une histoire…)

J’ai commencé à écrire « sérieusement » (si l’on peut dire *tousse tousse*) en 2012 (my god, ça fait déjà 8 ans ! J’ai l’impression que c’était hier !).
Avant d’écrire, j’avais cette idée que pour être artiste, il fallait nécessairement avoir l’inspiration divine, le feu sacré – et qu’ensuite, tout venait tout seul. Dans ma tête, le romancier était une personne écrivant dans une sorte de fièvre frénétique à la limite de la transe, sans quasiment avoir conscience de ce qu’il couchait sur les pages (ouais. L.O.L., hein).
Pendant longtemps, donc, j’ai été persuadée qu’écrire n’était pas pour moi. Que je n’y arriverai jamais. Que j’étais trop cartésienne pour ça. Je ne me voyais pas (et ne me voit toujours pas, d’ailleurs, si je suis 100% honnête) comme une artiste. Une part de moi était romantique et rêveuse, certes, mais je vivais dans une bulle issue de l’imagination des auteurs dont je dévorais les romans, pas de la mienne. Jamais de la mienne. Je n’arrivais tout simplement pas à créer quoi que ce soit de bon (et ce n’était pas faute d’essayer). (Pour la petite histoire, je me souviens d’une tentative d’émuler, à 18 ans, les romans Harlequin que je lisais…. j’espère que ce cahier a brûlé quelque part, tellement je ne l’assume pas du tout. C’était mauvais!! Mais mauvais!!). À tous ceux qui me demandaient pourquoi je traduisais, pourquoi je n’écrivais pas, je répondais que c’était par fainéantise, parce que c’était plus facile de travailler sur quelque chose de déjà écrit que de créer quelque chose de toutes pièces, mais la vérité, c’est que j’étais persuadée au fond de moi que je n’avais juste pas ça en moi. Que j’étais tout simplement incapable d’écrire. Tous ces cahiers de brouillons qui s’entassaient, remplis d’histoires vraiment mauvaises, étaient la preuve que j’étais loin d’avoir ce qu’il fallait pour devenir une écrivaine.

Alors j’ai abandonné l’idée, tout simplement.

Et puis, un jour, il s’est passé quelque chose dans ma vie, et j’ai eu envie, besoin d’écrire, d’essayer encore, et au diable mon manque d’imagination. C’était pour moi, juste pour moi, de toute façon. On s’en foutait si c’était mauvais. J’en avais besoin, c’était tout ce qui comptait.
Et c’est là que j’ai découvert qu’on pouvait très bien ne pas avoir beaucoup d’imagination (ou de talent inné) et réussir quand même à écrire de jolies histoires. Qu’on pouvait très bien ne pas avoir d’idées plus loin qu’une simple scène, et malgré tout, mot par mot, page par page, arriver au bout d’un roman entier – et que ce roman plaise, de surcroît.
Cela demandait juste plus de travail et plus de détermination, c’était tout.

On ne peut pas attendre que l’inspiration vienne. Il faut courir après avec une massue.
– Jack London.

L’imagination, tout comme la plume, c’est un muscle qui se travaille. Et plus on le travaille, ce muscle, plus les mots et les idées viennent facilement. Je me souviens de mes premières tentatives, lorsque j’ai réessayé d’écrire – ce n’était pas beau à voir, et vraiment pas meilleur que mes tentatives ratées d’adolescente (mon « vrai » premier roman, une réécriture de Cendrillon commencée en 2012, à jamais inachevée, restera bien sagement dissimulé au fond de mon ordi, c’est une évidence)! Je manquais d’expérience, de technique, de pratique – et ça se voyait tellement, mais tellement !
C’était normal, après tout. Je n’étais encore qu’un bébé écrivain, qui voulait écrire, certes, très très fort… mais qui n’avait pas de talent ni la moindre idée de comment on faisait (d’aucuns diraient que je ne sais toujours pas, à en lire mes précédents billets sur l’écriture… ^^).

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
– Nicolas Boileau

J’ai suivi les conseils de messieurs London et Boileau. Je suis allée chercher l’inspiration (et l’expérience) armée de ma massue et vingt (cent) fois sur le métier j’ai remis mon ouvrage, ma meilleure amie (et bêta depuis toujours) pourra en témoigner.
Parce que la vérité, c’est que le talent, ce n’est pas (toujours) inné. Ce que l’on appelle talent est en fait, bien souvent, le résultat de beaucoup, beaucoup de travail (je ne dis pas qu’il n’existe pas des personnes qui l’ont, ce talent, cette capacité innée à écrire des histoires, à créer des mondes, des histoires de grande envergure. Il en existe, j’en connais, et je les admire, profondément. C’est juste que ce n’est pas tout le monde).

Je me souviens d’une anecdote que m’a raconté mon cousin, un jour. Un dessinateur à qui l’on demandait combien de temps il lui avait fallu pour réaliser le dessin qu’il venait de croquer à main levée, a répondu “Vingt ans” (ou une durée équivalente, je ne me souviens plus exactement). Parce que le talent, la capacité de réaliser quelque chose d’abouti, est le résultat de plusieurs années de pratique, d’exercices, d’échecs aussi – surtout, même, car on n’apprend jamais aussi bien que dans l’échec. Je pense qu’ils sont rares, ceux qui réussissent quelque chose du premier coup, sans jamais s’être entraîné.

Ce que je veux dire, avec ce billet, c’est que tout se travaille, absolument tout, même l’imagination. Avec de la persévérance, on peut réussir à faire beaucoup de choses. Écrire un roman en fait partie – j’en suis la preuve vivante.
Au début, trouver la clé pour étoffer une scène, développer un point d’intrigue, enrichir un personnage me prenait systématiquement un temps fou. Il m’arrivait souvent d’écrire un paragraphe, de m’arrêter parce que je ne savais pas comment continuer. Puis j’en écrivais un autre, et je m’arrêtais encore. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que j’ai un chapitre, puis un autre, puis encore un autre. Je ne vous dirais pas combien de temps il m’a fallu pour écrire la première version de Parce que c’est toi, qui ne faisait qu’à peine 35 000 mots à l’époque, ni combien de versions ont existé avant celle que j’ai soumise à l’éditrice des Éditions Laska.
Et puis, à force de pratique, les idées ont fini par venir plus rapidement, les mots n’étaient plus aussi difficiles à atteindre, les connexions sont devenus plus évidentes. Aujourd’hui, 8 ans après avoir couché mes premiers mots sur le papier, écrire est devenu plus facile.
Le mot clé, dans cette phrase, étant « plus ».
Parce que je n’ai toujours pas le feu sacré, toujours pas de talent inné. Et parce que l’inspiration vient toujours pas toute seule, la bougresse. Je lui cours toujours après avec une massue – et je remets toujours beaucoup, beaucoup de fois mon ouvrage sur le métier. Je continue, et continuerai probablement toute ma vie, à ramener l’inspiration de force en la traînant par les cheveux, à triturer les idées dans tous les sens jusqu’à en sortir le meilleur, à analyser les personnages jusqu’à en connaître toutes les zones d’ombre, et à écrire et réécrire mes histoires un nombre incalculable de fois, jusqu’à ce qu’elles coulent si bien qu’on dirait qu’elles se sont écrites toutes seules – ce qui est rarement le cas, sachez-le. Derrière toute histoire qui semble couler toute seule, il y a des heures de travail et pas mal de poignées de cheveux arrachées pour trouver le mot juste, la tournure de phrase idiomatique, celle qui fera mouche chez le lecteur.
Mais vous savez quoi ? C’est correct. Je sais aujourd’hui que ce n’est pas parce que je n’ai pas de talent inné que je ne peux pas le faire (et devoir travailler et batailler pour chaque mot, pour chaque point d’intrigue, ne fait pas de moi une romancière moins légitime que les autres, cf le syndrome de l’imposteur). Je peux le faire, parce que je veux le faire. Parce que inné ou pas, écrire fait aujourd’hui partie de moi au point que je n’envisage pas de revenir en arrière, à l’époque où je disais que je préférais traduire le travail de quelqu’un d’autre, plutôt que de créer le mien, par peur de ne pas y arriver. Parce qu’on s’en fout de ce qui s’est passé avant dans ma vie, on s’en fout que je me sois mise à l’écriture tard, que je doive suer sang et eau sur chacun des mots que je pose sur le papier. Ce qui compte, c’est que j’aime ça (écrire, bien entendu, pas souffrir ^^). Et ça suffit. Ça suffit largement.

Alors, à toi qui galères parce que tu ne sais pas si tu as les idées qu’il faut pour écrire ton histoire, qui a peur de manquer de souffle, d’inspiration, en cours de route, persiste ! Va chercher l’inspiration au bout du monde s’il le faut, car si tu attends qu’elle vienne, tu risques de ne jamais l’écrire, ce roman. Et ce serait dommage, non ? Alors écris. Même si c’est pas définitif, même si c’est mauvais, même si c’est dans le désordre, même si c’est pour supprimer à la fin et tout refaire deux fois, dix fois, cent fois. Parce que de la même manière que l’appétit vient en mangeant, l’inspiration vient en écrivant. Et puis un jour, à force d’écrire, de réécrire, de supprimer, de déplacer, de corriger… tu réaliseras que tu l’auras terminé, ton roman.
Et tu seras fier/fière de toi de ne pas avoir baissé les bras.

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